Le secret du musée #1 : la momie d’Hergé
La plupart des musées ont rouvert leurs portes, vous pouvez donc désormais aller jeter un œil en direct aux secrets de nos musées. Lors de la publication de chaque newsletter, nous continuons à partager avec vous une histoire spectaculaire relative à une pièce de collection appartenant à l’un de nos musées belges. Cette semaine, place à la momie inca du Musée Art et Histoire de Bruxelles.
Qui se souvient de Rascar Capac ? Évidemment ! il s’agit du roi inca maudit qui a effrayé des générations entières de lecteurs de bandes dessinées lors de son apparition dans Tintin et Les 7 boules de cristal (1948). Au fond, dans les années ‘80, Indiana Jones n’a fait que suivre le mouvement. En effet, si vous avez jamais lu un album de Tintin, vous savez que les expéditions archéologiques dangereuses et les malédictions mystérieuses étaient déjà à la mode dans les années ‘40. Mais où Hergé a-t-il été puisé son inspiration pour créer cet adversaire de Tintin pour le moins effrayant ?
« Hergé a vécu à Etterbeek, à deux pas du musée », raconte Serge Lemaitre, conservateur de la collection américaine au Musée Art et Histoire de Bruxelles. « Il venait souvent visiter le musée pour chercher l’inspiration. Nous savons qu’il a acheté un numéro du National Geographic en 1935, qui traitait de l’époque précolombienne des Incas. À ce moment, il avait déjà réalisé une bande dessinée se déroulant en Égypte. Mais il aimait encore plus l’Amérique. Il s’est donc basé sur la malédiction de la découverte de Toutankhamon II en Égypte et l’a traduite dans une histoire précolombienne. »
La momie que Tintin doit affronter dans Les 7 boules de cristal fait appel à l’imagination. En réalité, ‘Rascar Capac’ porte un nom moins évocateur dans les collections du musée bruxellois où on le connaît sous le nom de AAM5939. C’est l’une des sept momies de la collection américaine. Elle est issue d’une société rurale du nord du Chili. L’homme mâchouillait des feuilles de coca (à partir desquelles on fabrique la cocaïne), comme presque tous les habitants de sa région. La mastication de la coca était un remède efficace contre le mal d’altitude.
« Nous savons aussi maintenant que celui-ci chassait aussi les lions de mer, ce qui constitue une nouvelle information sur les habitants de cette région », poursuit Serge Lemaitre. « Il a bien vécu à l’époque inca, mais malheureusement, il n’était ni empereur ni roi. » La personne qui a vraisemblablement envoyé les momies en Belgique s’appelait Jean-Baptiste Popelaire de Terloo, ornithologue et naturaliste. Au milieu du XIXe siècle, il voulait fournir des artéfacts aux musées qui venaient d’être fondés dans une jeune Belgique.
À l’époque, l’archéologie n’était pas encore une science aussi multidisciplinaire qu’elle l’est aujourd'hui. Les curiosités et autres mystères primaient encore souvent sur l’inventaire et l’approche scientifique. Hergé semblait bien conscient de cela. Sur la première page des 7 boules de cristal, un homme dans le train dit à Tintin : « Pourquoi ne pouvons-nous pas laisser ces gens tranquilles ? Que ressentirions-nous si ces Péruviens et Égyptiens venaient ici et fracturaient les tombes de nos rois ? »
Grâce à Serge Lemaitre et à son équipe, nous pouvons aujourd'hui regarder ces momies dans le bon contexte, maintenant que le Musée Art et Histoire a ouvert à nouveau ses portes.